Le Prix

Le Prix

Manuel Vásquez Montalbán

« Carvalho passa devant les épiceries transformées en vitrines de la pitance de l’Espagne profonde : chorizos, boudins, salaisons et principes légumineux en tout genre. Lentilles françaises et de Salamanque, haricots violets du Barco ou de Toulouse, flageolets, maïs moulu, fèves des Asturies, haricots de la Virgen et de la Granja et un revenez-y de pois chiches d’Arévalo ou de Pedrosa, haricots noirs, du Leon ou d’ailleurs, farine de gesse, piles de maquereaux en conserve, tripes, bucardes et savoureuses matières déshydratées, sablés, touron et massepains en tout genre. Le spectacle était un défi au conservatisme alimentaire et à la prudence des passants – comme si on pouvait manger prudemment. On ne peut pas manger prudemment. On ne doit pas manger prudemment. Si on ne peut pas manger, on ne mange pas, un point c’est tout. Emportant sa secrète indignation, Carvalho descendit la rue du Prado pour l’une de ses meilleures enquêtes criminelles chez les « people » madrilènes. »

Traduit de l’espagnol par Claude Bleton.